Les processus physico-chimiques susceptibles d’améliorer la récupération d’huile sont bien connus en théorie. Mais leur mise en œuvre dans le contexte réel d’un réservoir pétrolier exige de maîtriser un jeu d’équilibres extrêmement complexe. L’expertise avancée du PERL en physico-chimie constitue, à cet égard, un avantage de poids pour Total. Stratégique pour l’avenir pétrolier, elle est le socle de futurs déploiements industriels de procédés d’amélioration de la récupération performants et économiques.


LE CEOR : Des boosters chimiques pour repousser les limites de la récupération d'Huile
La production assistée par injection d’eau, technique la plus ancienne et encore la plus courante, reste d’une efficacité limitée. Elle ne permet de récupérer que 35 %, en moyenne, de l’huile contenue dans les réservoirs. Pour repousser cette limite, nous devons parvenir à déployer des techniques avancées de récupération améliorée par voie chimique (CEOR, Chemical Enhanced Oil Recovery). Avec 5 à 20 % de récupération additionnelle à la clé, leur maîtrise représente un enjeu considérable.
Le CEOR repose sur l’injection de produits chimiques capables de doper la récupération. Ainsi, l’ajout de polymères dans l’eau d’injection, rendue plus visqueuse, améliore son « effet piston » sur l’huile mobile. Ce balayage plus efficace du réservoir peut rapporter 5 points de récupération incrémentale. Pour augmenter encore la performance, c’est à l’échelle microscopique de processus physico-chimiques qu’il faut agir. C’est le rôle des tensioactifs, voire des alcalins, qui ciblent quant à eux l’huile immobilisée dans les plus petits pores de la matrice rocheuse, inaccessible par les méthodes classiques. Pour créer la micro-émulsion huile/eau qui délogera cette huile, les tensioactifs doivent provoquer une chute drastique - d’un facteur 1 000 environ - de la tension interfaciale entre ces deux liquides.
Une expertise de classe mondiale pour relever tous les défis du CEOR
Nous disposons, au Pôle d’Études et de Recherche de Lacq (PERL), de solides atouts pour parvenir à maîtriser ces leviers physico-chimiques de l’extraction d’huile.
- Nos expertises avancées en physico-chimie constituent le socle d’une capacité d’innovation reconnue par l’industrie. Mais aussi par le monde académique. Elles nous ont valu, en 2015, de pouvoir nous allier avec l’ESPCI (École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la ville de Paris), pôle d’excellence mondial dans le domaine. Dans notre laboratoire de recherche commun de Physico-chimie des Interfaces Complexes (PIC), nous travaillons à mieux comprendre les phénomènes se déroulant aux interfaces huile-eau-solide, moteurs du CEOR.
- Nos techniques analytiques maison nous placent à la pointe de l’analyse de systèmes complexes. Des équipements expérimentaux originaux nous permettent, notamment, d’analyser des polymères en solution ou d’identifier et quantifier les espèces chimiques actives sur les équilibres interfaciaux d’échantillons multiphasiques.
- Notre approche intégrée de la physico-chimie du workflow du CEOR, de la mise au point des molécules jusqu’au design de pilotes, est unique dans la profession. Elle s'inscrit dans un effort décisif majeur de modélisation et d'évaluation, pour allier performances techniques et économiques. Celle-ci est développée en collaboration avec les laboratoires du Centre Technique et Scientifique Jean Féger (CSTJF), à Pau, l'équipe de développement de notre futur simulateur de réservoir et l'équipe EOR de produits onshore.
Chemical Enhanced Oil Recovery : des formulations chimiques sur mesure
Dans le domaine du CEOR, la molécule passe-partout n’existe pas. Le design des produits résulte d’une approche sur-mesure, adaptée aux spécificités de chaque réservoir cible.
- Tributaire de la salinité et de la température, le pouvoir viscosifiant d’un polymère dépend aussi de sa résistance à la dégradation mécanique lors de son injection, et de sa capacité à endurer un séjour de plusieurs mois dans le réservoir.
- Le tensioactif, lui, doit créer les interactions les plus fortes, et d’égale énergie, avec l’huile d’une part et l’eau d’autre part. L’équation est complexe. Son affinité avec l’eau et l’huile dépend de la salinité (concentration et nature des sels) et de la température. Mais son rapport à l’huile est aussi conditionné par d’autres paramètres : la longueur des chaînes carbonées de l’huile, la quantité de gaz dissous, ou les centaines d’espèces de molécules tensioactives potentiellement présentes naturellement dans les bruts, souvent difficiles à détecter.
- Les alcalins, quant à eux, sont de précieux alliés possibles pour réduire la consommation de tensioactifs. En basifiant l’eau, ils limitent l’absorption des tensioactifs sur la roche et transforment les acides naphténiques du brut en naphténates (qui sont eux-mêmes de puissants tensioactifs).
Les termes de l’équation sont aussi économiques. Dans un contexte de faible prix du baril, le déploiement industriel du CEOR ne sera possible qu’à faible coût additionnel. La transversalité de notre expertise physico-chimique prend ici tout son sens. Car développer les formulations chimiques et les stratégies d’injection qui permettront de minimiser le volume des produits à mettre en jeu ne suffit pas. Il faut aussi être capable d’optimiser l’intégralité de la chaîne de production, en proposant des procédés de surface économiques de traitement d’huile et d’eaux adaptés aux produits chimiques reproduits au puits.
Des avancées technologiques devenues des références pour l’industrie pétrolière
Pionniers du CEOR avec des pilotes lancés dès les années 1980, nous restons pionniers de l’extension du domaine d’application de cette thématique stratégique.
- Notre pilote d’injection de polymères sur Dalia (Angola, 2008-2012) a été le premier au monde en offshore profond. Il nous a permis de réaliser des avancées significatives sur la maîtrise de leur injectivité et dans notre compréhension de leur dégradation mécanique. Cette dernière nous a notamment permis de breveter des technologies novatrices de vannes non cisaillantes, qui préservent l’intégrité des polymères lors de l’injection. L’intérêt de ces équipements a conduit d’autres compagnies à s’associer à Total, au sein de JIP, pour travailler à leur industrialisation.
- En 2013, un pilote de transport en surface de polymères en solution (États-Unis) a permis de nous assurer de l’absence de dégradation mécanique des polymères en régime turbulent. La mise en œuvre d’une solution innovante de désoxygénation de la solution transportée les a également préservés du risque de dégradation chimique par le fer.
- Avec le pilote d’injection de tensioactifs d’ABK (Abu Dhabi, 2014), nous avons repoussé la limite de salinité d’utilisation des tensioactifs, située jusqu’alors entre 40 et 80 g/l. La formulation synthétisée dans nos laboratoires a pu relever le défi d’un réservoir chaud (83 °C) et très salé (230 g/l) et aboutir à une récupération additionnelle d’huile de l’ordre de 35 % autour du puits pilote dans un réservoir très peu perméable (5 mD).
- Sur le pilote de Petrocedeño, en cours au Venezuela, nous repoussons aujourd’hui les limites d’utilisation des polymères en les injectant, pour la première fois dans ce pays, sur un brut lourd (2 000 cP). Notre objectif : doubler la récupération actuelle pour atteindre des taux de 16 à 20 %.
Cette stratégie offensive sur le CEOR se poursuivra, demain, par de nouveaux pilotes en ligne avec les enjeux de notre portefeuille au Moyen-Orient et en Afrique. En ligne de mire : l’injection de polymères dans des huiles visqueuses (> 100 cP) et celle de polymères et de tensioactifs dans des réservoirs carbonatés très chauds (120 °C) et très salés (200 à 250 g/l).